Georges DUHAMEL

(illustration :les conscrits de Dagnan-Bouveret)

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Sous un figuier d’Avignon

L'ombre verte était sucrée

Par les larmes d'une figue

Ivre de béatitude.

 

Je ne voyais plus les fruits,

je n'entendais plus les guêpes,

Et le Rhône en vain  chantait

L'immortel mépris de nous.

 

Je regardais dans le ciel

S'éloigner d'un vol farouche

La paix, comme un grand oiseau

Chassé du canton natal.

 

Le tambour bourdonnait dans le fond d'un village,

Le silence en semblait à jamais offensé;

Une rumeur barbare et nouvelle insultait

Vos fleurs, ô grenadiers pâmés dans la poussière.

 

Je n'éprouvais pas ces choses:

C'était assez que d'étreindre

Toutes les années futures

Abreuvées de honte.

 

C'était assez que d'ouvrir

Des regards désespérés sur un monde enseveli

Dans l'insondable tristesse.

 

C'était assez, sous vos feuilles,

ô beau figuier d'Avignon,

Que d'appeler néant

Des suprêmes solitudes.

 

Georges Duhamel (1884 1966)

[Elégies]                     

 

 

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