TRISTAN DEREME

 

 

 

Chambre d'hôtel morose et vide. Un oeillet penche

Et touche le miroir triste où tu contemplas

Ta gorge nue. EAU CHAUDE. EAU FROIDE. MM. LES

CLIENTS SONT PRIES DE REGLER CHAQUE DIMANCHE.

 

C'est dimanche. Réglons les comptes de ce coeur.

Rideaux jaunes et noirs, quel funèbre décor!

 

Tu n'es plus là. J'ai lu Delille et l'ANNUAIRE

DES TELEPHONES, pour ne plus songer à tes

Sanglots; mais je voyais tes larmes et restais

Des heures, les yeux clos, trop habile à me nuire,

 

A remuer ma peine au lieu de m'endormir

Et mâchant ma douleur comme un fruit trop amer.

 

Tristan Derême (vers 1935)

 

 

CVI

Triste, à côté du chien et du chat j’ai chauffé

Mes bottes dans l’auberge en buvant le café

Trouble que m’apportait une vieille servante

Et j’ai pleuré de n’avoir plus l’âme fervente

Qui élève un flambeau triomphal dans son poing.

Ni cette passion qui ne balance point,

Foule d’un pas égal la ronce et les prairies

Et des chemins boueux fait des sentes fleuries.

Ah ! Pauvre cœur sans gouvernail, où t’en vas-tu ?

Tout n’est qu’ombre et mystère et tu prends, éperdu,

Les astres à témoin de ta peine exigûe

Petit socrate, bois ta petite cigûe.

 

 

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